Crise sanitaire, conflit russo-ukrainien, flambée des prix et délais d’approvisionnements… Autant dire que l’année est mouvementée pour le secteur du négoce matériaux qui fait face à de nombreux facteurs exogènes inédits. Après des débuts prometteurs, la météo du marché s’annonce compliquée avec en cause la pénurie croissante des matériaux et des hausses tarifaires imprévisibles. Quel état des lieux peut-on dresser en 2022 et quelles sont les perspectives pour 2023 ?
1. Un 1er semestre 2022 dynamique
Entre la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine, sur fond électoral, le premier semestre 2022 a été plutôt mouvementé pour le secteur du négoce en matériaux de construction. Malgré tout, début 2022, les négociants affichent de belles performances et un dynamisme prometteur, avec des records en termes de résultat. Selon une étude Xerfi Specific sur l’évolution mensuelle du CA du négoce bâtiment, le chiffre d’affaires de la profession connaît une hausse significative de 10% entre février 2021 et février 2022.
Si le marché du bricolage occupe toujours la première place des circuits de distribution, les négoces tirent leur épingle du jeu en enregistrant la plus forte hausse des ventes aux particuliers du marché : +15%, soit 4,8 milliards d’euros, devant les grandes surfaces de bricolage, les pure players et les grandes surfaces alimentaires. En valeur, c’est 14% du marché que les négoces remportent (1).
2. Une météo complexe et mouvementée
Malgré ce dynamisme, force est de constater que le secteur fait face à des facteurs économiques et politiques inquiétants, sur un marché très perturbé.
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Une pénurie de matériaux et des difficultés d’approvisionnements
Si l’année 2022 avait bien commencé, l’activité de la filière reculait déjà dès mars 2022. Le deuxième semestre s’est ouvert sur des tendances en repli pour les granulats et le BPE (-3,3% et -2,4% en volume respectivement, à fin juillet sur un an (2)). En cause, de multiples facteurs : la crise sanitaire du Covid et les confinements successifs, le conflit ukrainien et ses impacts sur les approvisionnements (énergétiques et autres), mais aussi les conditions climatiques et notamment la sécheresse qui a affecté les productions agricoles en Europe.
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L’inflation et une demande qui stagne ?
Cette pression sur les marchés a fait flamber les prix des matériaux, avec une augmentation moyenne de 18% (3), et des tarifs souvent décuplés du jour au lendemain. Et ça concerne tous les types de produits et donc tous types de chantiers : bois de construction et de coffrage, acier, aluminium, fer, bitume, PVC, vitrage, plâtre, peinture, colle, adhésifs, carrelage, grès… Si les constructions se maintiennent en locaux commerciaux et industriels, ainsi que dans le logement collectif et en résidence, la demande a tendance à s’essouffler chez les promoteurs et chez les particuliers, confrontés à l’inflation qui rogne le pouvoir d’achat et l’épargne (4).
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Un recrutement compliqué
Dans ce secteur qui compte 80 000 salariés et qui effectue près de 15 000 embauches par an, la crise du Covid-19 est venue sérieusement ébranler la dynamique de recrutement. Les entreprises de plus de 50 salariés sont confrontées à une pénurie de main d’œuvre, notamment sur les métiers de la logistique et du transport, ainsi que dans la fonction commerciale. Magasiniers, attachés technico-commerciaux, chauffeurs-livreurs… La digitalisation et l’évolution des exigences des salariés comme des entreprises ont grandement impacté la filière, qui doit mieux se faire connaître et mieux former (5).
Lire aussi : [ÉTUDE] État des lieux, perspectives, investissements : quelle météo chez les négociants de matériaux ?
3. Conséquences et perspectives 2023
Ces difficultés ont des conséquences dommageables pour l’activité des artisans. Modification des plannings, réorganisation des équipes, réduction de validité des devis, recherche de nouveaux fournisseurs (3)… Autant de tensions qui peuvent impacter les relations entre les négociants de matériaux de construction et leurs clients. Au-delà des effets sectoriels, les négociants ont tout intérêt à être particulièrement vigilants vis-à-vis des encours clients. Les remboursements des PGE (prêts garantis par l’Etat), aide essentielle aux entreprises lors de la crise sanitaire du Covid-19 en 2020, viennent alourdir des charges déjà grandement impactées : augmentation des coûts de l’énergie, des matériaux, du transport…
Cela étant dit, de belles progressions sont visibles dans bon nombre d’entreprises qui profitent à la fois de l’inflation mais aussi d’un marché encore bien portant, notamment dans la rénovation énergétique. Les mises en chantier prévues début 2022 sont également au rendez-vous. Côté marketing, c’est tout un secteur qui a revu ses stratégies B to C, en investissant dans des nouveaux concepts de points de vente et en améliorant les parcours et expériences clients, dans la veine de l’omnicanal.
(1) Magazine Négoce N°488 Mai 2022
(2) LA LETTRE MENSUELLE DE CONJONCTURE DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION – OCT 2022
(3) Matériaux : la hausse moyenne des prix est de 18% au premier trimestre 2022
(4) LA LETTRE MENSUELLE DE CONJONCTURE DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION – SEPT 2022